Coup de coeur de l’année, Libre Échange (Splitsville) se révèle être une comédie anti-romantique à l’humour intelligent, une ode au chaos sentimental dynamitant les codes de la romance classique. Et si Cupidon avait perdu le mode d’emploi ?

Dès les premières minutes de la projection presse, les critiques sont conquis. Si la rentrée vous plombe le moral et que vous cherchez le parfait antidote à vos journées grises, Libre échange, signée par le tandem Michael Angelo Covino et Kyle Marvin, est la pépite comique qu’il vous faut. Loin d’être moralisateurs, ils bousculent les idées préconçues sur les relations amoureuses avec cette comédie « anti-romantique ». Dans la veine de The Climb, ce bijou d’esprit et d’audace comique ne manquera pas de vous redonner le sourire. Alors, pour faire bon ménage, faut-il accepter quelques taches tenaces sur le linge conjugal ?

« Alors que sa femme vient de demander le divorce, Carey (Kyle Marvin) court chercher du soutien auprès de ses amis, Julie (Dakota Johnson) et Paul (Michael Angelo Covino). Il découvre alors que le secret de leur bonheur est qu’ils sont en couple libre. »

Mariages, divorces et poissons rouges  


Covino nous offre un joyeux capharnaüm amoureux avec cette plongée burlesque dans la complexité des dynamiques relationnelles. On y retrouve des plans soignés, couleurs épurées dans les tons automnaux, et une Dakota Johnson au sommet de son charme ! Teinté d’humour absurde sans tendre vers la surenchère, le style trempe dans la commedia dell’arte, avec son côté théâtral, ses quiproquos, le jeu des masques : les personnages se veulent wavy, se morfondent dans le déni, et prennent conscience des vérités de leur coeur dans les moments les moins opportuns. Peu de gens commandent l’amour en pièces détachées et pourtant c’est aux personnages de reconstruire le puzzle, pour notre plus grande plaisir.

Le succès de Libre Échange naît du motif et de la répétition : les punchlines se répondent, les petites catastrophes se répètent et s’enchainent comme un refrain. Des poissons rouges dans le décor ? Oui, ils rappellent les personnages tournant en rond dans leur maison-bocal, prisonniers du chaos sentimental. Covino pousse chaque scène jusqu’à l’absurde : cascades exécutées par les acteurs, dégâts matériels, cris du coeur, dialogues percutants… c’est promis, aucun poisson rouge n’a été blessé lors du tournage (ou presque).

Ce choix esthétique n’est pas gratuit, pour Covino « les situations les plus romantiques ne sont pas forcément celles auxquelles on s’attend. Elles sont d’autant plus belles qu’elles sont chaotiques ». Pour en capter la saveur, il fait confiance au talent de ses acteurs et leur laisse la liberté d’apporter leur touche personnelle. Loin d’un comique calibré, Covino laisse l’imprévu jaillir du naturel, mais ne dérive jamais du scénario. La complicité du casting devient alors la clef : c’est elle qui transforme le chaos en or comique, qui fait rire tout en révélant la vulnérabilité des personnages.

Ils vécurent heureux… jusqu’à l’acte II


A travers cette fresque amicale et romantique, Covino ne juge pas les choix relationnels de ses personnages. Il les accompagne dans leur voyage initiatique à la recherche de ce qui leur convient le mieux. Tout part de là : un couple de jeunes mariés en crise et un autre expérimenté qui semble détenir toutes les réponses.

Très vite, la question s’impose : et si personne n’avait la réponse ? Et si l’amour ne se laissait pas intellectualiser ? Les donneurs de leçons ne sont peut être pas les meilleurs professeurs. « Et si », la question que tout bon scénariste doit se poser. Alors, faut-il réinventer son couple pour lui garantir longévité ? Chaque personnage à son avis sur la question et celui-ci se verra challengé. Libre Echange ne cherche pas à casser les codes, mais à s’en libérer pour apporter une vision plus nuancée des relations. On est moins dans un Faites entrer l’accusé, plus dans La La Land ou Deux moi. 

La maison de poupée


Et quelle mise en scène ! Les plans d’ensemble dévoilent chaque pièce de la maison où se déroule la majorité de l’histoire à la manière d’une maison de poupée. Chaque pièce s’ouvre sur une révélation, un secret, des silences habités, c’est une plongée dans l’intimité des personnages. Nous sommes les seuls spectateurs de ce qui s’y vit. On feuillette un album vivant, observant la vie derrière la vitrine. La caméra discrète et chorégraphique avec ses plans tantôt resserrés, tantôt larges, ses travellings, rend chaque scène aussi drôle qu’intimiste. Le quotidien devient un théâtre miniature.

On perçoit dans cette histoire un arc évolutif, un avant et un après. Les personnages traversent un voyage initiatique qui les transforme. Libre Échange ne cherche pas à imposer des réponses, mais à explorer la complexité des sentiments et dépasser les schémas traditionnels. C’est plus qu’une ode au chaos, c’est une ode à la vie. Pour un film petit budget, c’est plutôt une belle réussite, qui mérite ses 8 minutes d’ovation lors de la première du film au Festival de Cannes le 19 mai 2025.

L’heure du Tea Time !


Sweet Dakota has a point. Ces dernières années, Johnson s’est imposée bien au-delà de son statut d’actrice, pour façonner sa propre vision artistique et signature culturelle. Avec sa boite de production indépendante Tea Time Pictures, cofondée avec Ro Donnelly, elle pousse encore plus loin sa démarche et revendique une identité : célébrer l’art, s’affranchir des codes de l’industrie, donner une voix aux récits audacieux et aux artistes féminines trop souvent reléguées aux marges. Johnson n’en est plus à sa première comédie romantique et a produit plusieurs films remarqués ces dernières années : Cha Cha Real Smooth, Am I Ok? Une actrice devenue productrice, une muse devenue stratège. Bref, Dakota’s rules. 
Entre éclats de rire, poissons rouges et ambiance feel good, Libre Échange livre une vision rafraîchissante des relations amoureuses. Cette comédie pleine de charme rappelle avec humour que les histoires d’amour naissent souvent d’un joyeux chaos et échappent à notre contrôle… pour notre plus grand divertissement !

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Rédacteur en chef Raphaël Casale